Manies collectionihistes

médiasphère versus neutre
  • Quelle est la définition de votre travail ?
    Préliminaire à la question du travail : “Ne travaillez jamais !”
    Si quelque chose travaille, c’est au sens ou le bois travaille...
    Sur la définition qu’il y aurait à en donner... s’ouvre tout la problématique praxis / poésis.
    Le langage est-il pertinent à l'appréhension des phénomènes artistiques... Dé-finir quand l’art, bien souvent touche à ce qui est hors limites (sublime).
    L’art est l’aoriste.
    Au départ, l'aoriste (du grec ἀόριστος / aóristos, « non limité ») ne dénotait aucune valeur temporelle mais un aspect dit « zéro » (ou « perfectif »), c'est-à-dire que le procès verbal (l'« action ») est représenté sans référence à sa durée.
    Faciebat : Et, pour ne pas paraître toujours médire des Grecs, je voudrais qu'on me supposât l'intention de ces maîtres de l'art de peindre et de sculpter, qui, vous le verrez dans ces volumes, avaient mis à des oeuvres achevées, à des oeuvres que nous ne nous lassons pas d'admirer, une inscription suspensive : Apelle faisait ; Polyclète faisait. Ils ne paraissaient voir dans leurs ouvrages que quelque chose de commencé toujours (inchoata semper), de toujours imparfait, afin de se ménager un retour contre la diversité des jugements, comme prêts à corriger les défauts signalés, si la mort ne les prévenait pas;
    Ils ont, par une modestie bien sentie, inscrit chacune de leurs productions comme la dernière ; à chacune ils semblent avoir été enlevés par la destinée. [Pline l’Ancien, Histoires Naturelles, préface]
    En opposition avec la langue, ordre des signes, les arts, en général, relèvent de la signifiance.
    Quand on répète la question que veux dire l’art ? sans la transformer, sans en détruire dans sa forme, dans sa forme de question, dans sa structure onto-interrogative, il a déja soumis tout l’espace aux arts discursifs, à la voix et au logos. On peux le vérifier : la téléologie et la hiérarchie sont prescrites dans l’enveloppe de la question (J/D).
    Quel discours pour une expérience intérieure...?  Quelle poïétique ?
    Un discours au “Neutre”.
    Être furtif (furtum : larcin). Voici, je viens comme un voleur. Apocalypse 16:15
    Le langage poétique ne peut être triomphant ; c’est un langage furtif, un langage de biais, un parergon (Orphée).
    > S’arrêter avant : la parole doit être apophatique (néo platonisme - théologie négative) : active par sa négativité qui est celle du silence (silere).
    Fragments, non finito...
    > Aller au delà : au moyen de la fragmentation, de la digression, de la liberté volubile [polynymie - pseudonymie - néologie].
    copia cicéronnienne
    fugue, réponse à côté, koân.

    Vous lancez-vous dans une entreprise de perversion ou de subversion des valeurs traditionnelles, des shémas et usages qui sont devenus la norme ?

    Se lancer dans une “entreprise”, serait-elle de démolition, c’est déja échouer.

    Académisme du subversif !!
    Agir/non agir... le grégaire, le réactif (l’homme du ressentiment - le faible) est l’activiste, le militant, le participationiste. Chez toute personne qui déboulonne une statue j'entends en fond, “la mienne ferait tellement mieux à la place...”
    Les statues tombent toujours d'elles-mêmes... loi universelle de la gravité ! Ruinanz
    Wu wei

    Perversion, subversion, sont les mêmes outils que la norme et la tradition. S’ils semblent s’opposer dans leur direction, leur principe reste celui d’une dialectique dynamique de la transformation.
    Ne s’agit-il pas, en poésie comme en art d’ouvrir au maximum et avec le plus de dynamisme possible les horizons de ce champ des possibles où agissent les jeux cognitifs ?
    Traverser l’homme, traverser le monde, traverser le temps, traverser le mal, traverser le bien, la poïétique relève bien par là d’une véritable économie de la transe, du « transhumaner ».

    Le simulacre ou l’artifice sont-ils des outils qui peuvent aider à une autre lecture, à défaut d’une vrai lecture, et qui en tout cas requalifieraint les choses ?

    L’esthétique Kantienne est venue bouleverser le contenu de la notion classique d’art avec en particulier l’idée qu’à la source de toute création esthétique réside une force mystérieuse : le génie artistique original. Le génie selon Kant, cette « faculté des idées esthétiques sachant  rendre universellement communicable ce qui est indicible »  est donc absolument à l’opposé de l’esprit d’imitation qui fondait la conception classique de l’art ; il fonde en revanche l’importance qu’a pris désormais le style dans l’histoire de l’art à travers tous les formalismes issus de la pensée kantienne. Très vite le style n’a plus seulement été conçu comme « la physionomie de l’âme » ( Schopenhauer ) mais aussi comme la physionomie d’une époque.

    La majorité des historiens d’art se sont conformés à ce type de schéma, dans le sens d’une analyse  psychologique, psychanalytique voire phénoménologique pour les uns ( Gombrich, Marcuse, Huyghe, Malraux…), dans le sens d’une approche sociologique, politique pour les autres ( Hauser, Adorno, Francastel…).
    Dans tous les cas le discours sur le style n’a pu se départir d’un discours sur l’originalité qui donne sens à l’œuvre, et ce aussi bien en ce qui concerne l’art romantique que l’art moderne et contemporain.

    Mais l’art moderne a-t-il jamais vraiment été Kantien ?

    La pratique effective de l’art d’avant-garde tend à révéler que cette « originalité » est une hypothèse de travail émergeant sur un fond de répétition et de récurrence, que l’idée de copie gît toujours déjà au cœur de l’original.
    Dans son analyse du discours de la copie Roland Barthes définit le réaliste non comme celui qui copierait d’après nature mais comme « pasticheur », comme quelqu’un qui ferait des copies de copies : « Dépeindre, c’est faire dévaler le tapis des codes, c’est référer, non d’un langage à un référant, mais d’un code à un autre code. Ainsi, le réalisme […] consiste non à copier le réel, mais à copier une copie ( peinte ) du réel […] par une mimesis seconde, il copie ce qui est déjà copie ».
    Rosalind Krauss a montré avec force le rôle de la copie dans la peinture du XIXe siècle et sa croissante nécessité pour la formation du concept d’originalité, de spontanéité ou de nouveau.

    Si le style n’est pas cette notion opératoire pourtant si pratique pour l’institution (savante et marchande ) la mimésis retrouve-t-elle droit de cité ?
    Il y a dans la Modernité quatre grands penseurs de la répétition : Kierkegaard, Nietzsche, Heidegger et Gilles Deleuze. Tous les quatre ont montré que la répétition n'est pas le retour de l'identique, le même en tant que tel qui revient. La force et la grâce de la répétition, la nouveauté qu'elle apporte, c'est le retour en possibilité de ce qui a été. La répétition restitue la possibilité de ce qui a été, le rend à nouveau possible. Répéter une chose, c'est la rendre à nouveau possible. C'est là que réside la proximité entre la répétition et la mémoire. Car la mémoire ne peut pas non plus nous rendre tel quel ce qui a été.
    En répétant le prototype, la parodie, le pastiche, le simulacre ont également une valeur critique qui se surajoute à leur impact émotionnel : ils dés-objectivent toute prétention langagière, tout pouvoir absorbant du paraître. S’il y a de l’être quelque part, c’est forcément dans les guillemets, les masques et, en quelque sorte, hors du magisme inhérent au langage affirmatif. Puisque tout langage est affirmatif, il faut déstabiliser ce pouvoir qui lui est inhérent par les jeux du simulacre, voire du secret. Cette position met en œuvre une véritable esthétique-éthique du décalage [vision de biais – anasémiose] :

           Parodie        est de     para ôdê     ( à côté du chant )
    comme      
           Parergon      est de     para ergon     ( à côté de l’œuvre )

    Il s’agit bien, en rupture avec toute opération d’information, de concevoir le genre parodique comme cadre structurant de la pensée poétique [la poïétique comme paradigme simulationiste]. La poésie est le lieu de l’informe en ce sens que toute forme y est encore possible, champ des métamorphoses aucun fantôme de forme (la figura latine n’est-elle pas d’abord le fantôme ?)  n’y est encore informée.

    Votre travail repose sur la mémoire et la transmission. Qu’est-ce qui vous a conduit à vous intéresser à ces questions-là ?

    L’ouvrage de Peter Brown, “Le Culte des saints. Son essor et sa fonction dans la chrétienté latine”.